AAC – Les politiques de l’argent des étudiant·es Comment l’État façonne les scolarités et le quotidien des étudiant·es
Appel à communications pour la conférence « Les politiques de l’argent des étudiant·es Comment l’État façonne les scolarités et le quotidien des étudiant·es », organisée à Sciences Po en mai 2025.
La date limite d’envoi des propositions de communications est fixée au 13 janvier 2025.
RÉSUMÉ
Dans le cadre de ces journées d’étude, nous proposons de réfléchir à la manière dont l’État façonne le financement des études supérieures en France, ainsi que la vie quotidienne des jeunes inscrits en formation initiale. Notre objectif sera de prendre en compte et de mettre en relation une diversité de politiques publiques qui configurent l’espace du possible dans lequel évolue les étudiant·es.
L’encadrement de l’argent des étudiant.es est une action publique à part entière. Cet enjeu est devenu particulièrement saillant ces dernières années en raison de la privatisation de l’enseignement supérieur (Musselin, 2023), de l’épidémie de Covid-19 (Amsellem-Mainguy, Lardeux, 2022 ; Lambert, Cayouette-Remblière, 2021) et de l’inflation (Belghit et al., 2023), qui ont eu une forte incidence sur la vie des étudiant·es.
Longtemps centrées sur la (re)production culturelle des inégalités scolaires, les recherches se sont multipliées pour documenter les conditions de vie des étudiant.es et mesurer les inégalités auxquelles ils et elles font face en ce qui concerne le financement de leurs études. Les chercheur.es se penchent principalement sur les mobilisations économiques des familles. Ils et elles examinent les pratiques comptables des parents (Le Pape et al. 2020) et les normes d’égalité entre enfants au sein des familles nucléaires (Le Pape, Tenret, 2024). Ils et elles enquêtent également auprès de familles élargies pour comprendre comment les étudiant.es disposant de faibles ressources parviennent à payer leurs frais de scolarité (Pierrel, 2015). Si plusieurs travaux s’intéressent à l’emploi des étudiant.es à côté de leurs études (Pinto, 2014) ou au recours aux prêts étudiants, les analyses qui en découlent gardent la famille comme unité d’analyse.
La centralité des familles dans ces travaux s’explique en grande partie par leur contribution aux ressources des étudiant.es. En 2020, 42 % des ressources mensuelles moyennes des étudiant.es provenaient des aides familiales (OVE). La proportion d’étudiant.es français.es bénéficiant d’un soutien familial est supérieure à la moyenne internationale, atteignant environ 78 % en France, contre 68 % dans l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur (Hauschildt, 2022 : 178). Lorsque les étudiant.es français.es reçoivent de l’argent ou une aide en nature de leur famille, cette source de financement contribue également de manière plus importante à leur revenu mensuel total : 63 % en France contre seulement 53 % en moyenne dans les pays de l’EEES (idem : 179).
Le rôle que les familles sont amenées à jouer dans le financement des scolarités et du quotidien des étudiant.es est lié au régime d’Etat-providence. À la différence du modèle beveridgien (Suède, Pays-Bas, Finlande, Danemark) qui cherchent « à émanciper le plus tôt possible les jeunes en leur en donnant les moyens, que ce soit en termes financiers ou en termes de formation » (Chevalier, 2018 : 44), la France accorde peu d’autonomie aux jeunes en études malgré les injonctions à l’indépendance qui pèsent sur eux (Van de Velde, 2008).
Des politiques de l’argent des ménages aux politiques de l’argent des étudiant·es
Dans le cadre de ces journées d’étude, nous proposons de réfléchir à la manière dont l’État façonne le financement des études supérieures en France ainsi que la vie quotidienne des jeunes inscrits en formation initiale. À cette fin, nous suggérons d’entrer par les politiques de l’argent afin de saisir la façon dont l’action publique configure l’espace du possible « financier » dans lequel évoluent les étudiant.es. Jeanne Lazarus utilise le concept de « politiques publiques de l’argent » pour penser l’une des fonctions de protection de l’État : « la protection de l’argent des citoyens et de leurs capacités de consommation » (2022 : 13). Tout en reprenant ce concept à notre compte, nous en proposons un usage renouvelé pour penser les politiques qui façonnent directement ou indirectement le financement de la scolarité et le budget des étudiant.es.
Axe 1 | Périmètres et catégories des politiques de l’argent des étudiant·es
Ce premier axe vise à délimiter le périmètre des politiques de l’argent des étudiant.es. Dispersées entre plusieurs administrations, ces politiques sont rarement étiquetées et pensées comme telles. Au-delà du cadre des transferts directs aux étudiant.es (e.g. système des bourses Crous, etc.), elles peuvent être directement (e.g. financement des scolarités à l’université, prêts garantis par l’État, prime pour les entreprises qui recrutent des apprentis, etc.) ou indirectement liées aux études (e.g. APL, MOBILI-JEUNE, allocations familiales, pass culture, tarifs étudiants, etc.). Ces politiques éducatives, familiales, de formation, d’emploi ou de logement se distinguent par leurs principes, leurs acteurs et les catégories administratives et fiscales sur lesquelles elles s’appuient : jeunes, étudiant.es, apprentis, etc. Quelles sont les politiques par lesquelles les pouvoirs publics financent les études et la vie quotidienne des étudiant.es ? Quelles sont les distinctions institutionnelles sur lesquelles reposent ces politiques publiques ? Comment les politiques publiques construisent la catégorie d’action publique « étudiant.e » ?
Axe 2 | Fabrique et mise en œuvre des politiques de l’argent des étudiant·es
Parce que les instruments des politiques publiques « ne sont pas des outils axiologiquement neutres et indifféremment disponibles » (Lascoumes, Le Galès, 2005 : 13), cet axe propose de porter une attention particulière aux instruments et aux organisations utilisés pour gouverner ces politiques publiques. Pour comprendre comment l’État gère l’argent des étudiant.es, nous suggérons d’adopter une analyse critique des valeurs et des interprétations sociales véhiculées par ces dispositifs. Les contributions pourront s’intéresser aux fondements idéologiques et aux finalités politiques qui sous-tendent leur élaboration et leur application. Dans une perspective socio-historique, elles pourront également porter sur les réformes et contre-réformes mises en œuvre par les pouvoirs publics en France ou dans d’autres pays. Comment des acteurs au sein et en dehors de l’Etat (e.g. syndicats, entreprises, banques, familles, etc.) participent à l’élaboration et la mise en œuvre de ces politiques publiques ? Quelles sont les positions normatives en présence ? Quelles normes gouvernent les jugements sur l’argent des étudiant.es, sa répartition et son usage approprié ?
Axe 3 | Usages et appropriations des politiques de l’argent des étudiant·es
Les travaux de cet axe porteront sur les usages et appropriations des politiques de l’argent des étudiant.es, en inscrivant ces dernières au cœur de l’analyse des mobilisations familiales. Il s’agira d’examiner les pratiques et les perceptions des familles et des étudiant.es vis-à-vis des transferts financiers dont ils et elles bénéficient. Quels sont les registres mobilisés pour interpréter la participation de l’État au financement de leur scolarité et de leur quotidien ? Les contributions pourront explorer la manière dont ces politiques publiques sont appréhendées et appropriées par les individus qu’elles visent.
Modalités de soumission
Les contributeurs et contributrices sont encouragé.es à s’appuyer sur des données empiriques, même si des propositions purement théoriques peuvent également être soumises.
- Pour les présentations d’une étude empirique : préciser le(s) cas et la méthode ;
- Pour les points théoriques : préciser la ou les notions d’intérêt et la littérature discutée.
Il est possible de proposer des éclairages comparatifs, ainsi que des communications dans d’autres disciplines (e.g. science politique, histoire, etc.).
La proposition de communication doit comporter 2 500 signes maximum (espaces compris) et présenter la problématique, le cadre théorique, la nature des supports empiriques et les principaux résultats.
Elles devront être envoyées avant le 13 janvier 2025
Calendrier
- Dépôt des propositions de communication : 13 janvier 2025
- Réponse du comité scientifique : 28 février 2025
- Dépôt du texte final de la communication (max. 40 000 signes, espaces inclus) : 9 mai 2025
- Journée d’étude : Mi-mai 2025
Comité scientifique
- Annabelle Allouche
- Jérôme Aust
- Lorenzo Barrault-Stella
- Tom Chevalier
- Hugo Harari-Kermadec
- Jeanne Lazarus
- Christine Musselin
- Arnaud Pierrel
- Vanessa Pinto
- Elise Tenret
Comité d’organisation
- Clément Bellanger : clement.bellanger@sciencespo.fr
- Meryl Merran : meryl.merran@sciencespo.fr
Bibliographie
Amsellem-Mainguy Y., Lardeux L., 2022, « Introduction. Jeunesses en temps de crises. Quand les inégalités se creusent », dans Jeunesses, Paris, Presses de Sciences Po (Académique), p. 7‑27.
Belghit F., Couto M-P., Rey O., 2023, Être étudiant avant et pendant la crise sanitaire : Enquête Conditions de vie 2020, La Documentation française, 340 p.
Chevalier T., 2018, La jeunesse dans tous ses États. Paris, PUF.
Hauschildt K., « Social and Economic Conditions of Student Life in Europe. Eurostudent VII 2018-2021 | Synopsis of Indicators ».
Lambert A., Cayouette-Rembière J., 2021, L’explosion des inégalités : classes, genre et générations face à la crise sanitaire, Éditions de l’Aube, 445 p.
Lascoumes P., Le Galès P., 2005, Gouverner par les instruments. Paris, Presses de Sciences Po.
Lazarus J., 2022, Les politiques de l’argent. Paris, PUF.
Le Pape M.-C., Tenret É., 2024, « “Je te donne ça et je donne la même chose à ton frère“. (In)égalité et légitimation de l’aide parentale lors du passage des enfants à l’âge adulte », Revue française de sociologie, 64, p. 443‑470.
Le Pape M.-C., Portela M., Tenret É., 2018, « “Ça n’a pas de sens de compter comme ça”. Difficultés et limites d’une approche comptable des aides financières et matérielles apportées aux jeunes adultes dans la famille », Sociologie, 9, 4, p. 417‑436.
Le Pape M.-C., Portela M., Tenret É., 2020, « Argent et sentiments. Une interprétation des déterminants de l’aide financière des parents aux jeunes adultes / Money and Feelings : An Interpretation of the Factors of Financial Support from Parents to Young Adults », Economie et Statistique, 514, 1, p. 71‑92.
Musselin C., 2023, « What Drives Private Higher Education in France ? | Sciences Po CSO – Centre de sociologie des organisations »,.
Pierrel A., 2015, « Réussite scolaire, barrière économique. Des boursiers et leur famille face aux frais de scolarité des grandes écoles de commerce », Sociologie, 6, 3, p. 225‑240.
Pierrel A., 2024, Ingénieurs mais apprentis, Classiques Garnier, 244 p.
Pinto V., 2014. À l’École du salariat. Les étudiants et leurs « petits boulots ». Paris, PUF.
Pinto V., Poullaouec T., Trémeau C., 2019, « Les étudiants et leurs parents face à l’exercice d’activités rémunérées en cours d’études : quatre portraits de familles », Revue française des affaires sociales, 2, p. 97‑118.
Spire A.,2024, « L’État peut-il transformer les individus ? », La Vie des idées.
Van de velde C., 2008, Devenir adulte, Presses Universitaires de France.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
nadegeressia (9 décembre 2024). AAC – Les politiques de l’argent des étudiant·es Comment l’État façonne les scolarités et le quotidien des étudiant·es. Sociologie économique. Consulté le 8 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12vac